Le Tigre

Il était une fois une chambre.

Pas une chambre extraordinaire non, la chambre d’un petit garçon : Joseph.

Au-dessus de son lit trônait une peinture qui – elle – était extraordinaire. Elle montrait quatre monstres sacrés : le dragon, le lion de montagne (blanc comme neige), le Garuḍa (entre un oiseau et un homme) et le tigre. Joseph s’endormait souvent le soir en regardant cette peinture et en se posant des questions. Qui était ces quatre animaux ? Existaient-ils vraiment ?
Au travers de sa fenêtre, en regardant les montagnes enneigées des Alpes, Joseph laissait parfois son imagination s’envoler. Il apercevait alors un dragon aux narines fumantes farouchement accroché à la roche, tandis qu’un lion de montagne était blotti dans la neige, qu’un Garuḍa volait fièrement autour d’un sommet, et que, plus bas dans la forêt, un tigre disparaissait derrière les arbres, ne laissant derrière lui que des traces de chat dans la neige.
Un matin, Joseph décida d’aller voir son papa pour lui poser la question qui le tourmentait tant.
— Papa, hésita Joseph, est-ce que les animaux de ma peinture existent dans la vraie vie ?
Interloqué, son papa ne répondit pas tout de suite. Puis il s’assit à côté de lui et lui dit :
— Il faut que tu saches qu’un jour j’ai fait un grand voyage, vers des montagnes si grandes et si hautes que les avions pouvaient presque les toucher.
Joseph ouvrit de grands yeux. Son imagination allait de nouveau décoller.
— Dans ces montagnes, un moine bouddhiste m’expliqua qu’autrefois quatre animaux protecteurs étaient là pour veiller sur eux, les défendre contre les démons.
— C’est quoi des démons ? demanda Joseph.
— Des esprits maléfiques, mais aussi des gens malintentionnés, des méchants quoi !
Joseph acquiesça.
— Le moine m’expliqua alors, tristement, que trois protecteurs avaient disparu et étaient dorénavant des légendes, le dragon, le lion de montagne et le Garuḍa, et qu’il ne restait aujourd’hui que le tigre.
— Alors les tigres existent bien dans la vraie vie ?!
— C’est incroyable, mais oui. Il n’en reste qu’environ quatre mille sur toute la planète. Tant que la forêt sera là, les tigres veilleront sur elle.
— Ils sont grands ?
— Tellement ! Leur tête est plus grande que toi, leurs dents grandes comme ma main, et leurs pattes laissent des traces dans la neige plus grandes encore que celles que laissent les vaches de nos montagnes.
— Waouh !
— C’est alors que ce moine m’a donné cette peinture, pour que je me souvienne que nous devons nous battre pour garder notre dernier protecteur, le tigre.
De retour dans sa chambre, Joseph ne regardait plus sa peinture de la même façon. Il jugeait désormais chacun des détails. Les moustaches du dragon, la blancheur du lion de montagne, les cornes du Garuḍa, et les oreilles rondes du tigre. Au plus profond de son lit, il se fit alors à lui-même une promesse : tout faire pour que le tigre ne disparaisse jamais des forêts du monde.

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